HISTOIRE DE LA QUESTION CHYPRIOTE, DÉBUT DES NÉGOCIATIONS DE L’ONU

HISTOIRE

Chypre, ayant été conquise en 1571 des Vénitiens, est restée sous la domination ottomane pendant 307 ans. L’administration de l’île a été transférée au Royaume-Uni en 1878, sous condition que l'Empire ottoman retienne la souveraineté. Durant la Première Guerre mondiale, le fait que l'Empire ottoman et le Royaume-Uni aient pris part dans des camps opposés, a constitué l’une des raisons pour lesquelles le Royaume-Uni a annexé l'île par une décision unilatérale en 1914. La Türkiye a reconnu la souveraineté britannique sur l'île par le Traité de Lausanne en 1923.

Jusqu'au début du 18e siècle, le nombre des Turcs à Chypre a été supérieur à celui des Grecs. La superficie des terres possédées par les Turcs, qui pratiquaient l'agriculture, était également supérieure à celle des Grecs. Il y a eu toujours un écart entre les deux parties dans la vie sociale et culturelle ; aucun mariage entre Turcs et Grecs n’a été observé et les membres des deux communautés n’ont pas pratiqué des activités telles que l’établissement d’entreprises commerciales communes.

À partir de 1931, les revendications des Chypriotes grecs en ce qui concerne l’unification avec la Grèce se sont amplifiées. La campagne « ENOSIS », qui pourrait se résumer comme l'unification de Chypre avec la Grèce et sa transformation en une île « hellénique », s'est accélérée après la Seconde Guerre mondiale. La Grèce a décidé de soumettre le problème de Chypre aux Nations unies en 1954. La Grèce n'a obtenu aucun succès dans ses demandes diverses en matière « d'autodétermination » auprès de l'ONU entre 1954 et 1958. Entre-temps, le colonel Grivas, qui était venu de la Grèce, a fondé l'organisation terroriste EOKA en 1955 et les actes de violence sur l'île se sont progressivement multipliés. Entre 1955 et 1958, les Chypriotes turcs ont été contraints de quitter 33 villages mixtes. Dès lors, le Royaume-Uni a déclaré en 1956 que non seulement les Chypriotes grecs, mais aussi les Chypriotes turcs avaient le droit à « l'autodétermination » et que la demande de partition était une option valable dans ce cadre.

Les Chypriotes turcs, qui ont commencé à s'organiser contre l'ENOSIS, ont développé la vision de la « partition » parallèlement à l’évolution de la situation.

L'échec de la Grèce à obtenir une résolution unilatérale de l'ONU en faveur de « l'autodétermination » et de l'ENOSIS, la résistance des Chypriotes turcs à l'ENOSIS et la détermination de la Türkiye à les soutenir, ont permis l'ouverture de négociations entre la Türkiye et la Grèce. La Türkiye et la Grèce sont parvenues à un accord à Zurich le 11 février 1959 et ont reçu l'approbation du Royaume-Uni et des dirigeants de deux communautés de Chypre à Londres. Les accords de Zurich et de Londres qui ont émergé à cet effet reposaient sur les principes d'indépendance, de partenariat des deux communautés, l’autonomie dans le domaine communautaire et la garantie effective du règlement par la Türkiye, la Grèce et le Royaume-Uni.

La "République de Chypre" a été établie en 1960 conformément aux traités internationaux fondés sur un partenariat entre les deux peuples de l'île. La Constitution, garantie par ces traités, reposait sur l'égalité des droits politiques et du statut des peuples chypriotes grecs et turcs sur l'île. La partie chypriote grecque n'a pas donné à la République de 1960 la chance de survivre telle qu'elle était établie ; et afin d'exclure les Chypriotes turcs des institutions de l'État, de les isoler, de mettre fin à leur existence sur l'île et, enfin, d'ouvrir la voie à l'unification avec la Grèce (ENOSIS), la partie chypriote grecque a entamé ces tentatives de modifier la structure de la "République de Chypre", qui a vu le jour grâce au système des Traités en question.

Le président à l'époque, Makarios, a commencé à faire valoir que les traités de Zurich-Londres avaient accordé aux Chypriotes turcs des droits inéquitables et que la Constitution de 1960 était inapplicable. Le 30 novembre 1963, il a soumis au vice-président Küçük ses propositions composées de 13 articles pour l'amendement de la Constitution, y compris l'abolition du droit de veto du vice-président turc. Ces propositions ont été rejetées par la partie chypriote turque et la Türkiye le 16 décembre 1963.

La partie chypriote grecque a lancé des attaques massives et systématiques contre la communauté chypriote turque le 21 décembre 1963. Les Chypriotes turcs ont été écartés des institutions publiques. Cette campagne, connue sous le nom de "Noël sanglant" dans l'histoire chypriote turque, était basée sur le plan préparé ultérieurement sous le nom d'« Akritas ». Le plan Akritas, qui envisageait l'extermination ou l'expulsion des Turcs de l'île, n'était pas un plan d'action d'une organisation simple, mais une tentative de nettoyage ethnique préparée par les autorités chypriotes grecques. À la suite de la mise en œuvre du plan Akritas, 30 000 chypriotes turcs ont été contraints de quitter 103 villages. La population chypriote turque a dû fuir ses foyers et s'est réfugiée dans de petites zones de l'île, qui correspondaient à 3 % de la superficie de l'île, sans accès à la mer, assiégée en permanence.

Les chypriotes grecs ayant unilatéralement abrogé la Constitution par la force en 1963, la « République de Chypre » a ainsi pris fin.

Après les événements du « Noël sanglant » de 1963, une « Force de maintien de la paix », composée de soldats des trois pays garants, a été formée le 27 décembre 1963. Dans ce cadre, la Nicosie a été délimitée en deux zones distinctes le 30 décembre 1963 par une ligne tracée par le général britannique sur la carte avec un stylo vert. Depuis lors, cette frontière est appelée la "Ligne verte".

La question chypriote est à l'ordre du jour de la communauté internationale depuis 1963, date à laquelle les chypriotes grecs ont tenté d'exclure les chypriotes turcs de l'État de partenariat établi en 1960, et d'usurper l'État en abandonnant l'accord visant à vivre et à gouverner l'île ensemble. La partie chypriote turque et la Türkiye n'ont jamais accepté cette situation illégale et illégitime, qui a empêché les chypriotes turcs d'exercer leurs droits en tant que partenaires égaux de l'État établi en 1960.

Par la suite, une force internationale de maintien de la paix (UNFICYP) a été déployée sur l'île en vertu de la résolution 186 du Conseil de sécurité des Nations unies du 4 mars 1964. Pendant ce temps, la Grèce a discrètement commencé à envoyer des forces militaires sur l'île, dont le nombre a atteint 20 000 au fil du temps. De cette façon, la République de Chypre, qui a cessé d'être un État de partenariat pour devenir une administration chypriote grecque, est passée sous le contrôle de facto des chypriotes grecs et de la Grèce, et les deux peuples ont été complètement séparés l'un de l'autre.

La Junte, qui a pris le pouvoir en Grèce en 1967 à la suite d'un coup d'État militaire, a tenté de négocier avec la Türkiye dans le cadre des pourparlers de Keşan et de Dedeağaç en vue de réaliser l'ENOSIS, et lorsque cela a échoué, des attaques ont été perpétrées contre les villages de Boğaziçi et Geçitkale à Chypre, auxquelles les troupes grecques ont aussi participé. Lorsque la Türkiye a averti qu'elle ferait usage de son droit d'intervention prévu par les Traités, cette crise a pris fin et la Grèce a été contrainte de retirer ses forces de l'île sous la supervision des Nations unies.

Au cours de la période suivante, en 1968, les négociations ont été entamées entre les parties. Au cours des négociations qui se sont poursuivies depuis lors durant 47 ans, il n’y a eu aucun sujet qui ne soit pas débattu. Les pourparlers se sont menés dans le cadre de la mission de bonne volonté de l'ONU pour établir un nouveau partenariat avec deux États constitutifs dotés d'un statut égal sur la base de l'égalité politique et de la bi-zonalité, paramètres établis par les Nations unies au cours du processus. Durant la négociation, c’est toujours la partie chypriote turque qui a accepté les propositions de solutions de l'ONU, mais la partie chypriote grecque a refusé de parvenir à un accord et de partager un avenir commun avec les chypriotes turcs.

Des divergences d'opinion ont commencé à émerger parmi les Chypriotes grecs suite à l'éviction des chypriotes turcs du pouvoir. Les divergences d'opinion apparues parmi les membres de l'EOKA ont entraîné une confrontation entre Makarios, qui craignait l'intervention de la Türkiye et préférait vaincre les Turcs sur le plan économique, et les anciens membres putschistes de l'EOKA-B qui souhaitait obtenir rapidement des résultats. Le 15 juillet 1974, le chef de l'EOKA, Nikos Sampson, a réalisé un coup d'État contre Makarios afin d'annexer l'île à la Grèce avec le soutien de la Junte grecque et a pris le pouvoir pour une courte période. Face à cette démarche visant la souveraineté et l'intégrité territoriale de Chypre, la Türkiye a d'abord proposé une intervention conjointe au Royaume-Uni dans le cadre du traité de garantie de 1960. Suite à la réponse négative du Royaume-Uni, la Türkiye, en tenant compte de la sécurité des Turcs sur l'île, a lancé l'Opération de paix le 20 juillet 1974. Ainsi, l'annexion de Chypre à la Grèce a été empêchée et l'existence du peuple chypriote turc a été assurée. L'Opération de paix turque a par ailleurs marqué la fin du régime de la Junte en Grèce et a apporté la démocratie au pays.

Le 2 août 1975, un accord d'échange de population a été conclu entre Rauf Denktaş et Glafcos Clerides à Vienne sous les auspices de l'ONU. Avec cet accord mis en œuvre par l'intermédiaire de la force de maintien de la paix de l'ONU, environ 120 000 Grecs se sont déplacés du nord vers le sud et 65 000 Turcs du sud vers le nord, créant ainsi deux sections homogènes en termes de population. Ces deux sections étaient séparées par une "zone tampon" s'étendant sur 180 km et variant entre 5 mètres et 7 km de largeur.

Aujourd'hui, face à une population de 290 000 personnes au nord de Chypre, il y a plus de 800 000 Grecs vivant sous l'administration de Chypre du Sud. On sait également qu'il y a plus de 100 000 résidents étrangers dans le sud. De plus, Chypre compte des groupes religieux arménien, maronite et latin. L'île de Chypre est située à 71 km de la Türkiye et à 900 km de la Grèce. Sa superficie est de 9 251 km², avec une superficie de 3 241 km² pour la RTCN, représentant 35.04 % de l'île et une superficie de 5 509 km² pour l'administration de Chypre du Sud, représentant 59.56 %. Les bases britanniques couvrent une superficie de 256.01 km². La zone tampon couvre une superficie de 244.04 km².

PROCESSUS DE NÉGOCIATION DE L'ONU

Les premiers pourparlers entre les deux parties sur l'île ont commencé en 1968. Ces pourparlers, à travers lesquels la partie turque étayait la thèse d’une autonomie locale (local autonomy), se sont poursuivis jusqu'à la fin de 1971. Au cours de la période 1972-1974, les pourparlers se sont poursuivis avec la participation d'experts de Türkiye et de Grèce. Ces négociations ont pris fin avec le coup d'État chypriote grec/grec du 15 juillet 1974.

Après 1974, la partie chypriote turque et la Türkiye ont adopté le modèle de fédération bi-communautaire et bi-zonale sur la base des réalités et des expériences sur l'île.

Dans ce cadre, diverses négociations entre 1975 et 1997 ont été orientées vers l'établissement d'une fédération. Toutefois, la partie chypriote grecque a suivi une politique visant à étendre sa souveraineté au nord, et a tenté de façonner la structure de l'État à cette fin dans les négociations.

Dans les années 1960, ne reconnaissant même pas le droit à l'autonomie de la partie chypriote turque, et dans les années 1970, refusant d'accepter la fédération bi-zonale et bi-communautaire, la partie chypriote grecque, dès que les perspectives d'adhésion à l'Union européenne se sont renforcées, a semblé soutenir l'idée d'une fédération en pensant pouvoir facilement éroder les droits que le côté chypriote turc obtiendrait dans le cadre d'une solution, notamment dans l’UE dont la Türkiye n'est pas membre. Voici quelques développements significatifs qui ont eu lieu au cours de cette période :

La Déclaration de Genève du 30 juillet 1974 a noté qu'il existait de facto deux administrations distinctes et autonomes à Chypre, et que les négociations en vue d'un retour à la légitimité constitutionnelle devraient être prioritaires.

Après que les pourparlers Denktaş-Clerides, qui se poursuivaient à Chypre depuis septembre 1974, aient été interrompus par le retour de Makarios sur l'île en décembre, la partie chypriote turque a créé l'État fédéré turc de Chypre (EFTC) le 13 février 1975 pour former l'aile chypriote turque au sein d’une fédération éventuelle à établir dans le futur.

Suite à l’établissement de l’EFTC, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni le 12 mars 1975 et a adopté la résolution 367, qui a accordé au secrétaire général des Nations unies un mandat de bon office pour assurer le règlement du conflit. C'est dans ce cadre que le Secrétaire général s'est efforcé de contribuer aux efforts de résolution qui se sont poursuivis jusqu'à ce jour. Le mandat de bons offices constitue un cadre beaucoup plus limité que la médiation et l'arbitrage, et vise à permettre aux parties de négocier et à faciliter leurs pourparlers.

Le 2 août 1975, un accord d'échange de population a été conclu entre Denktaş et Clerides à Vienne, sous les auspices des Nations unies et a été mis en œuvre par la Force de maintien de la paix des Nations unies.

Le 12 février 1977, le premier accord du Sommet (High Level Agreement) a été adopté à la suite de la réunion entre Denktaş et Makarios. Avec cet accord composé de quatre articles, il a été décidé d'établir une république fédérale bi-communautaire.

Le deuxième accord au sommet a émergé à l’issue de la réunion entre Denktaş et Kyprianou en mai 1979, qui s’est tenue de nouveau à l'appel de la partie chypriote turque. Cet accord confirmait l'accord de 1977 et comprenait une clause soulignant l'importance de créer une atmosphère de bonne volonté et de confiance mutuelle.

Le document, qui a été mis à l'ordre du jour dans les négociations entamées le 9 août 1980, mentionne explicitement pour la première fois les concepts de bi-zonalité et de sécurité. La formule, selon laquelle l'aspect constitutionnel de la question chypriote sera fédéral alors que l'aspect territorial sera bi-zonal, découle de ce document.

Le 15 novembre 1983, la République turque de Chypre du Nord a été proclamée sur la base du droit à « l'autodétermination » du peuple chypriote turc, et en mettant l’accent sur son égalité politique. Ainsi, la thèse de la fédération a été maintenue et un appel à la paix et à la résolution a été lancé à la partie chypriote grecque.

Le secrétaire général des Nations unies a lancé une nouvelle initiative en août 1984 dans le cadre de sa mission de bons offices et a invité les autorités chypriotes turques et grecques à Vienne pour des pourparlers séparés. Le Secrétaire général a présenté aux parties un document connu sous le nom de Points de travail de Vienne (Working Points). Depuis lors, les aspects divers du problème chypriote ont commencé à être traités non pas individuellement, mais comme un ensemble intégré (integrated whole).

À la suite des élections de 1985 du côté chypriote turc et grec, le secrétaire général de l'ONU a soumis le "Projet d'accord-cadre" le 29 mars 1986, après consultation des partis. L'accord-cadre susmentionné prévoyait la création d'un État fédéral binational à Chypre, l’octroi du droit de veto au président grec et vice-président turc, et la part du territoire de la partie turque devant être fixée à plus de 29 %.

Le 21 avril 1986, le président de la RTCN, Denktaş, a envoyé une lettre au Secrétaire général exprimant les questions fondamentales importantes pour la partie turque et annonçant qu'il acceptait le paquet comme un ensemble intégré (integrated whole). Dans une deuxième lettre datée du 27 avril 1986, Denktaş s'est déclaré prêt à signer l'accord. Le dirigeant chypriote grec Kyprianou n'a pas répondu aux propositions et a demandé la tenue d'une conférence internationale. Cette attitude de la partie chypriote grecque a été critiquée dans la déclaration et le rapport du Secrétaire général.

Les efforts pour trouver une résolution à la question chypriote ont repris de la vigueur et se sont progressivement intensifiés depuis les premiers mois de 1990. À l’issue de ces efforts, avec les contributions actives de la Türkiye et de la partie chypriote turque, le secrétaire général de l'ONU, Boutros Ghali, a rédigé un cadre d'accord informel appelé "Ensemble d'idées" (Set of Ideas), et l'a communiqué aux parties. Le document susmentionné présentait une intégralité et il a été admis qu'à moins qu'un accord ne soit conclu sur l'ensemble, les accords qui pourraient être conclus sur des questions individuelles seraient invalides.

Les négociations tenues à New York entre juin et novembre 1992 se sont axées sur les questions fondamentales en matière d’un règlement global, et les aspects politiques du nouveau partenariat à établir en Chypre ont été discutés dans le cadre de « l'Ensemble d'idées ».

L'Ensemble d'idées de 1992 reposait sur une structure fédérale composée de deux États fédérés, comme prévu dans le règlement de 1960, les Traités de garantie et d'alliance de 1960 étaient maintenus, et il était également précisé qu'une "Chypre fédérale" accorderait le statut de "nation la plus favorisée" (most favoured nation) à la Türkiye et à la Grèce dans tous les domaines. Il a été prévu que l'accord-cadre soit finalisé lors de la conférence quadrilatérale qui se tiendrait après l'accord des deux parties et qu'il sera soumis à un référendum dans les deux communautés dans les 30 jours.

La partie chypriote turque a accepté 91 des 100 paragraphes de l'Ensemble d'idées et s'est déclarée prête à négocier les 9 autres paragraphes. La partie chypriote grecque, en revanche, n'a pas accepté que les Chypriotes turcs aient une structure séparée, même en tant qu'unité fédérée, et elle a rejeté le maintien du Traité de garantie.

Clerides, qui a remporté les élections présidentielles de février 1993 du côté grec en s'opposant à l'Ensemble d'idées, a annoncé dès sa prise de fonctions qu'il ne négocierait pas l'Ensemble d'idées et que sa principale préférence était d'intensifier les efforts en vue de l'adhésion à l'UE. En effet, suite à cela, les Grecs chypriotes ont commencé à renforcer leurs efforts en vue de l'adhésion à l'UE avec l'aide de la Grèce. Avec l'octroi du statut de candidat par l'UE en mars 1995, les grecs chypriotes se sont entièrement concentrés sur l'adhésion à l'UE. L'objectif des grecs chypriotes en adoptant cette attitude, a été de parvenir à un ENOSIS indirect avec la Grèce et d’utiliser l'Union européenne, qui inclut la Grèce, contre le droit de garantie de la Türkiye.

MESURES DE CONFIANCE DE 1993

À compter du mai 1993, les négociations se sont axées sur un ensemble de mesures de confiance proposées par le secrétaire général de l’ONU. Celles-ci prévoyaient l'ouverture de l'aéroport international de Nicosie (AIN), et de Maraş pour une utilisation conjointe par les deux parties sous l'administration de l’ONU. Entre-temps, la Cour de justice de l'Union européenne a pris une décision interdisant les exportations de la RTCN vers l'UE en juillet 1994 à la demande des Chypriotes grecs. Cette décision, qui a affecté près de 60 % des exportations totales de la RTCN, a par ailleurs éliminé les avantages tangibles que les mesures de confiances apporteraient à la partie chypriote turque.

Cinq pourparlers exploratoires ont eu lieu entre le président de la RTCN Denktaş et le chef de l’ACG Clerides en octobre 1994, dans la zone tampon, sous les auspices du représentant spécial adjoint des Nations unies, afin d’assurer l'adoption des mesures de confiance par la partie chypriote grecque. Au cours de ces entretiens, Clerides a fait valoir que le soutien de la partie turque à la demande unilatérale d'adhésion à l'UE de l'Administration chypriote grecque, qui avait été faite en 1990, serait une condition préalable à l'acceptation du train de mesures ; ce qui a entrainé l’échec des pourparlers.

Par une décision unilatérale prise immédiatement après cela, l'ACG a rompu le dialogue avec la partie chypriote turque, et dès que l'UE ait accordé à l'ACG le statut de candidat en mars 1995, l'ACG s'est entièrement concentrée sur l'adhésion à l'UE.

DOCTRINE DE DÉFENSE COMMUNE ENTRE LA GRÈCE ET L’ACG

La « doctrine de défense commune » entre la Grèce et l’ACG est entrée en vigueur en novembre 1993. Cette doctrine prévoit la planification d'une stratégie et d'opérations militaires communes entre les deux pays, des exercices conjoints, la réorganisation des infrastructures de défense de la Crète, des îles du Dodécanèse et de « Chypre », l'établissement de bases aériennes et navales dans le sud de Chypre pour permettre à la Grèce de jouer un rôle concret en Méditerranée centrale, ainsi qu'une augmentation des dépenses militaires. À travers la « seule zone de défense », définie par ce nouveau concept stratégique, la région qui s'étend de la Grèce à Famagouste sur l'île est considérée comme une zone de défense naturelle, et l'assurance de l’activité dans tous les coins de cette région est visée.

Dans le cadre de la doctrine susmentionnée, l'Aéroport militaire de Paphos a été construit, en outre, il a été décidé de construire la base navale de Terazi et d'acheter des missiles S-300 à la Russie. Sous la pression des pays occidentaux, l’ACG a été contraint d'annuler sa décision concernant le déploiement de S-300 sur l'île en décembre 1998, dans le cadre des initiatives de la Türkiye. Les missiles ont été déployés en Crète.

LES RENCONTRES EN TÊTE À TÊTE DE 1997 ET LE PROCESSUS D'ADHÉSION DE L’ACG À L'UE

À la suite des pourparlers indirects engagés en mars 1997 par l'intermédiaire du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour Chypre, Denktaş et Clerides se sont rencontrés à Troutbeck (États-Unis) et à Glion (Suisse), durant environ une semaine à chaque fois, en juillet et en août 1997, à la suite d'un appel du secrétaire général des Nations unies en faveur des pourparlers en tête-à-tête.

Au cours des pourparlers de Troutbeck, le rapport « Agenda 2000 » de la Commission européenne sur l'élargissement et sa recommandation d'entamer les pourparlers d'adhésion complète avec l'ACG au début de 1998 ont été divulgués à la presse. La Türkiye et la RTCN ont réagi contre cette attitude de l'UE et, dans ce contexte, il a été noté dans la déclaration commune du 20 juillet 1997 que, dans le cadre envisagé par la déclaration commune Türkiye-RTCN du 20 janvier 1997, les mesures à prendre par l'ACG en vue de l'adhésion à l'UE accéléreraient le processus d'intégration de la RTCN à la Türkiye.

Le gouvernement de la RTCN a déclaré que la décision prise lors du sommet de l'UE au Luxembourg en décembre 1997 d'entamer les négociations d'adhésion avec l'ACG portait un coup dévastateur au processus de négociation de l'ONU et aux paramètres de règlement, que des contacts ne pouvaient être menés désormais qu'entre les deux États de l'île, et qu'il n'était pas question pour la RTCN de participer aux négociations d'adhésion complète entre l'ACG et l'UE. La Türkiye a également soutenu la position de la RTCN, et il a été décidé au niveau gouvernemental que les relations chypriotes et turco-grecques ne seraient pas discutées avec l'UE.

Le lancement des négociations d'adhésion complète entre l'Union européenne et la partie sud de Chypre a incité la Türkiye et la RTCN à remettre en cause la viabilité d’un modèle de fédération dans une Union européenne dont la Türkiye ne fait pas partie. Dans ce cadre, il a été constaté que même si toutes les assurances souhaitées étaient obtenues dans un processus de négociation, des paramètres tels que la bi-zonalité, le bi-communautarisme et le maintien de la garantie effective de la Türkiye pourraient être compromis. Suite à cette évaluation, notre politique à l'égard de Chypre a été fondée sur de nouveaux paramètres basés sur la situation de fait sur l'île, et une approche basée sur la reconnaissance de l'existence de la RTCN en tant qu'État souverain a été adoptée pour la poursuite des négociations.

Le renforcement de la RTCN en tant qu'État indépendant et souverain, ainsi que la diversification et l'approfondissement de la coopération entre la Türkiye et la RTCN dans tous les domaines, ont constitué une autre dimension de la politique de notre pays en la matière. Dans le cadre des déclarations conjointes du 20 janvier, du 20 juillet 1997 et finalement du 23 avril 1998, un processus d'intégration compréhensive entre la Türkiye et la RTCN a été mis en œuvre.

À cet égard, le 31 août 1998, le président de la RTCN Denktaş a proposé la création d'une confédération entre les deux États de l'île afin de trouver une solution durable au problème. Cette proposition a été fondée sur le principe de la concrétisation d’une structure commune à la suite du règlement des questions principales entre les deux États de Chypre.

LA REVITALISATION DU PROCESSUS DE NÉGOCIATION ET LES POURPARLERS SOUS L’ÉGIDE DES NATIONS UNIES

Les tentatives de relance du processus de négociation chypriote se sont accélérées au cours de la seconde partie de 1999. Le 14 novembre 1999, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a annoncé que « les parties étaient convenues d'entamer des pourparlers de médiation à New York le 3 décembre afin de préparer le terrain pour des négociations significatives en vue d'un règlement global ».

À la suite de cette déclaration, cinq séries de pourparlers sous l’égide des Nations unies ont eu lieu à Genève et à New York entre le 3 décembre 1999 et le 10 novembre 2000. Les pourparlers ont été menés par le secrétaire général des Nations unies Annan ou par le Conseiller spécial pour Chypre, Alvaro de Soto. Au cours de ce processus, le président Denktaş et Clerides ne se sont jamais rencontrés et n'ont jamais parlé l'un à l'autre.

Par le biais de ces négociations, le président Denktaş a exprimé d’une manière détaillée ses vues sur divers aspects du problème chypriote au Secrétariat de l'ONU ; tels que la proposition de confédération, la sécurité et les garanties, les questions de propriété, les ajustements territoriaux, la répartition des pouvoirs en cas d'un règlement, l'égalité de statut, les embargos et l'adhésion à l'UE.

À l'occasion du quatrième cycle de négociations sous médiation, le secrétaire général des Nations unies Annan a fait une déclaration le 12 septembre 2000, confirmant que les deux peuples de l'île étaient des parties politiquement égales qui n’étaient pas le représentant l’un de l'autre. La déclaration du secrétaire général des Nations unies soulignait la nécessité pour les parties de parvenir à un règlement global envisageant un nouveau partenariat par le biais de négociations auxquelles elles participeraient sur un pied d'égalité. En rejetant cette déclaration du secrétaire général des Nations unies par une résolution adoptée au sein de son parlement le 11 octobre 2000, la partie chypriote grecque a de nouveau démontré sa vision à l’égard de la partie chypriote turque.

Lors du cinquième cycle, le secrétaire général des Nations unies Annan, arrivé à Genève le 8 novembre, a présenté aux parties un document intitulé "Déclarations verbales". Il a été observé que les déclarations dans le document ne correspondaient pas au contenu du processus. Le 24 novembre 2000, une réunion d'évaluation a eu lieu à Ankara entre les délégations dirigées par le président de la République de Türkiye et Denktaş. À l'issue de cette réunion, Denktaş a déclaré qu'il existait à Chypre deux États souverains distincts, deux peuples et deux démocraties, que l'objectif des pourparlers sous médiation était de préparer le terrain pour des négociations globales, mais que cet objectif n’avait pas été atteint en cinq cycles, et étant donné le déroulement des pourparlers, qu’il jugeait inutile de poursuivre les pourparlers sous médiation tant que les paramètres raisonnables et réalistes avancés par la partie chypriote turque n’était pas acceptés.

Suite à cela, le Premier ministre de l'époque Ecevit a déclaré que la Türkiye partageait le point de vue de Denktaş, et que nous soutenions sa décision de quitter les pourparlers sous médiation, et a également déclaré que la sécurité de la République de Türkiye et de la République turque de Chypre du Nord était inséparable.

LA PROPOSITION DE LA PARTIE CHYPRIOTE TURQUE POUR LES POURPARLERS EN TÊTE À TÊTE

Le 8 novembre 2001, le président Denktaş a envoyé une lettre au chef de l’ACG, Clerides, proposant une rencontre en tête-à-tête sur l'île afin de trouver une issue au problème chypriote. Dans ce cadre, Denktaş a rencontré Clerides le 4 décembre 2001 dans la zone tampon de l'île. Au début de la réunion, Denktaş a présenté une vision constructive tournée vers l’avenir, en déclarant que la partie turque était prête à négocier un règlement global en vue d'établir un nouveau partenariat fondé sur l'égalité de statut de la partie turque, et que l'adhésion à l'UE dudit partenariat serait soutenue dans le cadre des principes d’un règlement politique compréhensif.

Dans la déclaration faite par De Soto à la fin de la réunion, il a été noté que les deux dirigeants avaient convenu de tenir des pourparlers directs sur l'île à la mi-janvier 2002. Il a été convenu que les pourparlers se poursuivraient jusqu'à ce qu'un règlement global soit conclu sous les auspices de l'ONU, sans conditions préalables, en abordant tous les aspects, et avec la compréhension que rien n’est accepté tant que la totalité soit accepté.

Dans ce cadre, des pourparlers directs ont débuté le 16 janvier 2002. Au cours de ces pourparlers, les dirigeants ont exprimé leurs points de vue sur le règlement de la question chypriote dans le cadre du principe "aucun accord ne sera atteint sans un accord sur toutes les questions" ; ils se sont posé mutuellement des questions et ont cherché à obtenir des éclaircissements ; ainsi se sont efforcés, en quelque sorte, à éclaircir quels points de vue étaient négociables et lesquels ne l'étaient pas.

Lors des négociations, la partie chypriote grecque, considérant que la "République de Chypre" de 1960 existait toujours et que la partie turque devait être incluse dans cette "République" par le biais d'un amendement constitutionnel, s’est manifesté d’être loin de faire des efforts en vue d'une solution viable, fondée sur un véritable partenariat sur la base de l'égalité absolue des deux parties et du partage de l'autorité.

Le 6 septembre 2002, le secrétaire général des Nations unies Annan a rencontré le président Denktaş et le chef de l’ACG Clerides à Paris, et les deux dirigeants ont eu l'occasion de faire part de leurs points de vue au Secrétaire général. Le Secrétaire général Annan a invité les parties à New York pour une nouvelle réunion, les 3 et 4 octobre 2002. Dans la déclaration faite par le Secrétaire général à l'issue des réunions tenues à New York, il a été indiqué qu'il n'y avait pas de solution simple au problème chypriote et qu’il a été décidé d'établir des comités techniques bilatéraux "ad hoc" entre les parties afin de parvenir à un règlement compréhensif.

L'ÉMERGENCE DU PLAN ANNAN ET LA RUPTURE DES NÉGOCIATIONS

Après les réunions à New York les 3 et 4 octobre, le président Denktaş a du immédiatement subir une chirurgie cardiaque à New York le 7 octobre. Cependant, à l'approche du sommet de Copenhague du 12 décembre, le secrétaire général des Nations unies Annan, qui craignait que l'absence d’un règlement à cette date compliquerait davantage le problème chypriote, a présenté aux parties, le 11 novembre 2002, le document intitulé « Plan de règlement global du problème de Chypre », également connu sous le nom de « Plan Annan ».

La réponse officielle de la partie turque au plan a été retardée en raison des problèmes de santé de Denktaş et du processus afin de former un nouveau gouvernement à Ankara. Le plan présenté dans ces conditions difficiles a été fortement critiqué par l'opinion publique turque. La partie chypriote grecque, qui a accepté le plan comme terrain de négociation, a déclaré qu'il ne pouvait être accepté sous sa forme actuelle. Le 10 décembre, deux jours avant le sommet de Copenhague, les Nations unies ont transmis aux parties le plan révisé avec des modifications mineures. Le président Denktaş a déclaré que le plan ne contenait pas de changements majeurs et qu'il s'agissait de l'ancien plan. Les parties grecque et turque ont refusé de signer le plan à Copenhague, où les efforts pour trouver une solution se sont poursuivis jusqu'à la dernière minute.

S'il a été souligné dans la déclaration finale du sommet de Copenhague que Chypre deviendrait membre de l'UE dans sa totalité, il a été noté qu'en l'absence d'accord, l'acquis communautaire ne serait pas appliqué dans le Nord. Dans les décisions du sommet, où la demande de la partie turque de « reporter l'adhésion des Chypriotes grecs » n'a pas été prise en considération, il a également été déclaré que les parties s'engageaient à négocier le plan jusqu'au 28 février. Annan a envoyé une lettre à Denktaş et Clerides comme feuille de route sur la procédure à suivre jusqu'au 28 février. Entre-temps, suite au sommet de Copenhague, l'opposition en RTCN a commencé à se renforcer.

Le président de la RTCN Denktaş et le chef de l’ACG Clerides se sont rencontrés pour des entretiens directs dans la zone tampon le 15 janvier 2003. Dans le cadre de l'accord visant à se réunir trois fois par semaine, des entretiens directs entre les délégations dirigées par Denktaş et Clerides ont eu lieu dans la zone tampon en durant le mois de janvier.

Les élections présidentielles de l’ACG ont été remportées par Tasos Papadopoulos, candidat commun du parti de droite DIKO et du parti communiste AKEL, qui ont obtenu 51,51 % des voix au premier tour, le 16 février 2003. Le nouveau cabinet formé par Papadopoulos a pris ses fonctions le 28 février 2003.

Le Secrétaire général Annan a présenté la troisième version du Plan Annan aux parties sur l'île le 26 février 2003. Le Secrétaire général a invité les deux parties à La Haye le 10 mars 2003 pour faire savoir si elles acceptaient le plan et le processus envisagé dans celui-ci. À la suite de cette invitation, les deux dirigeants se sont rencontrés à La Haye le 10 mars. La Türkiye, la Grèce et le Royaume-Uni ont également participé à la réunion susmentionnée en tant que pays garants.

Compte tenu du fait que le dirigeant chypriote grec Papadopoulos avait annoncé au secrétaire général des Nations unies les amendements qu'il souhaitait apporter au Plan Annan avant les pourparlers, Denktaş a également transmis ses propositions d'amendement aux responsables des Nations unies le 9 mars. Au cours des négociations, qui ont duré une vingtaine d'heures à La Haye, le secrétaire général de l'ONU a suggéré que les parties poursuivent les négociations sur le plan amendé jusqu'au 28 mars et que le plan soit soumis à un référendum le 6 avril. Au cours des réunions, Denktaş a fait part des préoccupations et des attentes de la partie turque concernant le plan et a noté que le plan pourrait être soumis à un référendum après que les deux parties soient parvenues à un accord. Dans ce cadre, Denktaş a accepté de poursuivre les négociations jusqu'au 28 mars. Papadopoulos a également déclaré que les lacunes existantes dans le plan devaient être comblées et a accepté de poursuivre les pourparlers, mais a affirmé qu'il avait besoin d'une campagne de deux mois avant le référendum afin d'éclairer l'opinion publique grecque. Il s’est avéré que cette demande, soutenue aussi par la Grèce, avait comme but de reporter le référendum au lendemain du 16 avril, date à laquelle le Chypre du Sud signerait le traité d'adhésion à l'UE.

Lors de la dernière phase des pourparlers à La Haye, la partie turque a fait preuve de l'importance qu'elle attachait à la poursuite du processus et a indiqué que les deux dirigeants pourraient poursuivre les négociations jusqu'au 28 mars et qu'un référendum pourrait être organisé après une évaluation avec le Secrétaire général dans ce contexte. Toutefois, le 11 mars au matin, le Secrétaire général a conclu que la question était dans une impasse et a préféré mettre fin aux pourparlers.

Le rapport du secrétaire général de l'ONU Annan, daté du 1er avril 2003, sur les développements du processus de négociation indirecte et directe depuis 1999, ainsi que sur ceux depuis la présentation du plan de règlement, a été publié le 7 avril en tant qu’un document des Nations unies. Dans ce rapport, la partie chypriote turque a été tenue pour responsable de l'échec des négociations directes.

Les déclarations faites par le leader de l’ACG Papadopoulos et par l’ancien leader de l’ACG Clerides à la presse chypriote grecque en novembre 2003 concernant les négociations chypriotes qui se sont terminées à La Haye, ont eu un grand retentissement. Dans sa déclaration, l'ancien leader de l’ACG Clerides a affirmé que la partie turque avait été délibérément présentée comme intransigeante dans les négociations et que l’ACG s'était rapprochée de son objectif d'adhésion à l'Union européenne en « n'acceptant rien, en ne faisant aucune concession et en attribuant l'échec à la partie turque ». Tandis que le chef de l’ACG Papadopoulos a déclaré, qu’il avait profité du fait que Denktaş avait clairement exprimé son désaccord au Plan Annan lors des négociations, que de toute façon qu’il n'avait pas l'intention de signer le plan même si Denktaş l’avait signé à La Haye en mars 2003. Ces déclarations des deux dirigeants chypriotes grecs ont une fois de plus démontré que la partie chypriote grecque n'était pas sincère lors des négociations et ne souhaitait pas une solution compréhensive.

REPRISE DES NEGOCIATIONS DU PLAN ANNAN À L'INITIATIVE DE LA TÜRKİYE ET DE LA RTCN

À la fin de l'année 2003, la Türkiye et la RTCN ont lancé une nouvelle initiative en vue de trouver une solution juste et durable au problème chypriote.

Dans ce cadre, le Secrétaire général Annan a envoyé une lettre aux parties concernées (les deux parties de l'île, la Türkiye et la Grèce) et les a invités à New York le 10 février 2004 afin d'entamer le processus de négociation. Les parties ont accepté cette proposition du secrétaire général de l’ONU. Les pourparlers qui se sont tenus à New York du 10 au 13 février 2004 ont été menés avec succès grâce à l'attitude positive et constructive de la partie turque et ont ouvert la voie à la reprise des négociations sur l'île.

L'accord conclu à New York stipulait que les parties chypriote turque et chypriote grecque négocieraient le plan Annan jusqu'à une certaine date ; que les négociations se poursuivraient avec la participation de la mère patrie, la Türkiye et de la Grèce sur les points sur lesquels aucun accord ne pourrait être trouvé ; que le secrétaire général de l’ONU exercerait son autorité pour proposer des formules dans ces domaine set que le document final serait soumis à l'approbation des populations chypriote turque et chypriote grecque par le biais des référendums distincts mais simultanés organisés dans deux parties. Ainsi, l'objectif était de parvenir à un règlement avant le 1er mai 2004 et de permettre à une Chypre unie d'adhérer à l'UE.

Les négociations ont débuté le 19 février 2004 en deux phases et se sont poursuivies jusqu'au 31 mars 2004. La première phase des négociations s'est déroulée sur l'île entre le 19 février et le 22 mars 2004. À ce stade des négociations, la partie turque a fait preuve d'une attitude constructive. Bien qu'aucun accord n'ait été atteint lors des discussions entre les deux parties au niveau politique, des progrès ont été réalisés lors des réunions des comités au niveau technique. La deuxième phase des négociations a débuté à Bürgenstock, en Suisse, le 24 mars 2004, avec la participation des mères patries, et s'est terminée avec la présentation par le Secrétaire général de l'ONU de la version finale du plan Annan aux parties le 31 mars 2004.

CONTENU DU PLAN ANNAN

Le plan, qui a été remis aux parties au Bürgenstock et soumis à un référendum le 24 avril 2004, stipulait que le nouveau partenariat serait bizonal; que les deux parties reconnaîtraient l'identité et l'intégrité distinctes de l'autre, qu'elles respecteraient l’identité culturel, religieuse, politique, sociale et linguistique de l’autre, et qu'une partie ne dominerait pas l'autre; que les États constituants exerceraient une autorité souveraine dans leurs terres respectives et seraient libres d'établir leur propre ordre; que les États constituants et le gouvernement fédéral n'interféreraient pas dans les autorités et fonctions de l’autre; et qu’une partie ne revendiquerait pas d'autorité ou de juridiction sur l'autre.

Le plan d’Annan s’était fondé sur la continuation des traités de garantie et d'alliance, en tenant compte de la nouvelle situation de l'île (état des affaires). Les pays garants garantiraient l'intégrité territoriale, la sécurité et l'ordre constitutionnel non seulement de la République unie de Chypre, mais aussi des États constituants. Selon le plan, le nombre de troupes turques déployées dans l'État chypriote turc et de troupes grecques déployées dans l'État chypriote grec en vertu du traité d'alliance devrait être de 6 000 d'ici à 2011 et de 3 000 d'ici à 2018 ou jusqu'à l'adhésion de la Türkiye à l'UE. Alors que la version précédente du plan prévoyait que la présence militaire turque et grecque sur l'île serait réduite à zéro lorsque la Türkiye deviendrait membre de l'UE, la dernière version prévoyait que 650 soldats turcs et 950 soldats grecs resteraient sur l'île après l'adhésion de la Türkiye à l'UE ou après l’an 2018, à savoir les chiffres prévus par le traité d'alliance de 1960.

Afin d'atteindre le nombre de 6 000, un calendrier de retrait de 29 mois était envisagé, la première phase de retrait de 20 % devant être achevée en janvier 2005. La première partie de nos troupes présentes sur le territoire qui serait cédé à la partie chypriote grecque aurait dû être restationné à moins d'un kilomètre de la frontière vers l’intérieure dans un délai de 90 jours. La manière dont ces troupes seraient déployées, le type d'armes dont elles seraient équipées et la manière dont elles pourraient se déplacer à l'intérieur de l'île étaient soumis à des règles. Par exemple, pour les mouvements de plus de 100 soldats, un préavis de 48 heures était obligatoire.

Selon le plan, il était prévu que le nom de l'État de partenariat à établir soit la République unie de Chypre, que le nom du gouvernement soit le gouvernement fédéral et que les noms des États constitutifs soient "État chypriote turc" et "État chypriote grec". Dans ce cadre, outre la Constitution du gouvernement fédéral, les États constitutifs auraient également des Constitutions distinctes, les deux dirigeants seraient coprésidents pendant les deux premiers mois, avec une rotation d'un mois chacun, le Conseil des ministres serait composé de trois Chypriotes grecs et de trois Turcs dont les noms seraient notifiés par les parties dans les deux jours suivant le référendum, les Chypriotes grecs seraient responsables de l'UE, des Finances, de la Justice et des Affaires intérieures, alors que les Turcs assumeraient les ministères des Transports et des Ressources naturelles, des Affaires étrangères et de la Défense, du Commerce et de l'Économie, et le Parlement fédéral temporaire serait composé de membres nommés par les assemblées des deux États constitutifs au nombre de 24 pour chaque partie, au cours de cette période de deux mois. Dans le cadre du plan, la présidence et la vice-présidence de l'État fédéral seraient exercées à tour de rôle pour des périodes de 10 mois pendant les 5 premières années et pour des périodes de 20 mois après 5 ans ; à partir de la 6e année, il y aurait deux mandats de président chypriote grec et un mandat de président turc ; et le Conseil présidentiel serait composé au total de 9 membres pour une durée de 5 ans, dont 6 membres votants et 3 membres non votants.

Dans le plan, 29,2 % des terres étaient laissées à la partie turque, et si l'on tenait compte des terres à céder des bases britanniques, ce taux tombait à 28,8 % ; et la partie turque disposerait de 52 % du littoral.

En vertu du plan, il a été convenu qu'environ 58.000 Chypriotes turcs vivant dans les territoires à céder aux Chypriotes grecs quitteraient ces régions par étapes selon un calendrier de 42 mois et migreraient vers les territoires qui seraient cédés à l'État constitutif chypriote turc. Le nombre de citoyens turcs et grecs autorisés à résider dans l'État chypriote turc et dans l'État chypriote grec ne dépasserait pas 10 % de la population des deux États constitutifs. Lors de l'entrée en vigueur de l'accord, le nombre de citoyens turcs dans le nord ne dépasserait pas 20.000 et le nombre de citoyens grecs dans le sud ne dépasserait pas 70.000, ce taux serait par la suite de 5 % et les étudiants et enseignants universitaires seraient exclus de ce taux.

Le plan permettait, après le moratoire de cinq ans, à 39.000 Chypriotes grecs de retourner progressivement vers le nord sur une période de neuf ans, avec une restriction de 6 % de la population d'un village ou d'une municipalité entre la 6e et la 9e année, de 12 % entre la 10e à la 14e année, et de 18 % de la population de l'État constitutif concerné après la 14e jusqu'à la 19e année ou jusqu'à l'adhésion de la Türkiye à l'Union européenne. À la fin de la 19e année ou lors de l'adhésion de la Türkiye à l'UE, une disposition selon laquelle seul un tiers de la population de l'État chypriote turc pouvait s'installer dans le Nord a été ajoutée au plan.

Le plan stipulait que chaque Chypriote grec devrait posséder un tiers de son ancienne propriété dans le Nord et qu'une compensation était prévue pour les 2/3 restants. Toutefois, il a été décidé que les anciens résidents chypriotes grecs des villages de Dipkarpaz, Yeni Erenköy, Sipahi et Adaçay dans la région de Karpaz retourneraient à leurs anciennes propriétés sans aucune restriction et que ces colonies bénéficieraient d'une autonomie dans les domaines de la religion, de l'éducation et de la culture. Dans le rapport soumis par la partie chypriote turque aux Nations unies, il était indiqué que le coût approximatif de la réhabilitation résultant de ces accords, qui pourrait concerner 75.000 personnes, serait 3,8 milliards de dollars pour la partie turque. La partie chypriote grecque a indiqué qu'elle avait besoin de plus de 20 milliards de dollars pour sa propre réhabilitation.

Il existait des dérogations et des restrictions que l'UE aurait dû accepter et qui étaient également liées au processus d'adhésion de la Türkiye à l'UE si le plan avait été adopté. Celles-ci sont les suivantes :

a) Les restrictions susmentionnées concernant la résidence dans l'État constitutif,

b) Les restrictions concernant le séjour des citoyens turcs et grecs sur l'île,

c) La participation de Chypre à la Politique européenne de sécurité et de défense conformément aux traités de garantie et d'alliance, l’exclusion de Chypre de la dimension militaire de la PESD,

d) Une éventuelle restriction sur l'achat de biens immobiliers pendant 15 ans ou jusqu'à ce que le produit national brut par habitant dans l'État constitutif turc atteigne 85 % de celui de l'État grec,

e) L'adoption des mesures restrictives relatives à la mise en œuvre du marché intérieur de l'UE dans l'État constitutif chypriote turc pendant les six ans suivant l'entrée en vigueur de l'accord.

En cas de réponse négative au référendum ou de refus de l'un des États garants de signer le traité avant le 29 avril, l’accord de fondation serait nul et non avenu. Si le plan Annan avait été accepté, il aurait entraîné une période difficile et douloureuse pour la partie turque, notamment en raison des Chypriotes turcs qui seraient déplacés, des questions de propriété et d'établissement du nouveau système bizonal. En outre, l'adaptation économique de la partie turque au nouveau partenariat aurait entraîné des difficultés similaires.

L'entrée en vigueur du plan ne serait possible qu'après la signature et la ratification du traité quinquennal avec la participation des pays garants, comme en 1960, à la suite des référendums qui se tiendraient séparément dans deux parties de l'île. Dans ce contexte, les pays garants se sont engagés à signer le traité quinquennal en accomplissant les procédures internes de ratification nécessaires, en cas d'issue favorable des référendums.

RÉFÉRENDUMS ET PROCESSUS SUIVANT

Le plan de règlement finalisé à l'issue des négociations a été soumis à l'approbation des deux peuples de Chypre lors de référendums organisés le 24 avril 2004 dans l'ACG et la RTCN. Alors que 75,83 % des Chypriotes grecs ont rejeté le plan, les Chypriotes turcs ont dit "oui" au plan avec une majorité de 64,91 %, malgré de nombreuses difficultés qu'il entraînerait pour eux. Le rejet du plan par la partie chypriote grecque à une large majorité a eu comme cause également l'appel lancé par le dirigeant chypriote grec Papadopoulos au peuple chypriote grec pour un « non majeur » dans son discours du 7 avril 2004 et par la « campagne du non » menée par les dirigeants chypriotes grecs par l'intermédiaire de l'État. En conséquence, ce plan de règlement compréhensif, soutenu par la communauté internationale, y compris par l'ONU et l'UE, est devenu caduc à cause du rejet de la communauté chypriote grecque.

À la suite des référendums, une nouvelle situation a émergé sur l'île. Après les référendums, des organisations internationales telles que l'ONU, l'UE et des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont soutenu la position de la partie chypriote turque, regrettant le rejet du plan par la partie chypriote grecque et soulignant que l'isolement de la partie chypriote turque ne pouvait plus durer. Bien que certaines mesures aient été prises à cet égard, il n'a pas été possible à ce jour de rompre l'isolement auquel les Chypriotes turcs sont soumis depuis des années. Dans les déclarations, il a également été souligné qu'une occasion unique avait été manquée.

Dans la décision prise sur Chypre lors de la réunion du Conseil des Affaires générales et Relations extérieures de l'UE qui s'est tenue à Luxembourg le 26 avril 2004, le Conseil a exprimé sa détermination à mettre fin à l'isolement de la communauté chypriote turque et a invité la Commission à prendre des mesures compréhensives à cette fin. Il a également été convenu de fournir une aide de 259 millions d'euros au Nord. Deux règlements (le règlement sur l'aide financière et le règlement sur le commerce direct) préparés dans le cadre de la décision du Conseil européen du 26 avril n'ont pu être adoptés à ce moment-là en raison de l’entrave de l'Administration chypriote grecque.

Le 1er mai 2004, l’ACG est devenue membre à part entière de l'UE sous le nom de « République de Chypre ». Dans la déclaration faite par la Türkiye le même jour, il a été indiqué que les Chypriotes grecs qui allaient rejoindre l'UE n'étaient pas habilités à représenter les Chypriotes turcs ou l'ensemble de Chypre ; qu'ils n'avaient aucune autorité ou souveraineté sur les Chypriotes turcs ou l'ensemble de l'île de Chypre ; que la « République de Chypre » ne pouvait être imposée aux Chypriotes turcs par la force et que les Chypriotes grecs, organisés selon leur propre ordre constitutionnel et à l'intérieur de leurs propres frontières, ne pouvaient être acceptés en tant que gouvernement légal représentant les Chypriotes turcs ou l'ensemble de Chypre. La déclaration précisait en outre que les Chypriotes turcs, en tant que peuple organisé à l'intérieur de ses propres frontières et de son propre ordre constitutionnel, exerçaient leur souveraineté et leur autorité pour gouverner, que la Türkiye continuerait à reconnaître la République turque de Chypre du Nord dans ce cadre et que l'adhésion de Chypre du Sud à l'UE ne porterait en aucun cas atteinte aux droits et obligations de la Türkiye sur Chypre, fondés sur les traités de 1960.

RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ONU SUR LA MISSION DE BONNE VOLONTÉ DU 28 MAI 2004

Le rapport du secrétaire général de l'ONU sur la mission de bonne volonté et le processus de négociation daté du 28 mai 2004 a été publié le 3 juin 2004 (S/2004/437).

Dans son rapport, le secrétaire général de l'ONU a souligné la nécessité pour la communauté internationale de se pencher sur la situation des Chypriotes turcs à la suite des référendums et a noté qu'il n'y avait plus de raison d'opprimer les Chypriotes turcs ou de les isoler du reste du monde. Dans ce contexte, le Secrétaire général a lancé un appel à la communauté internationale et au Conseil de sécurité pour qu'ils lèvent les embargos et les restrictions imposés aux Chypriotes turcs et mettent fin aux pratiques qui entravaient le développement de la partie chypriote turque et l'isolaient du reste du monde.

Dans le rapport, le secrétaire général a également souligné qu'un règlement durable à Chypre devait être fondé sur l'égalité politique et le partenariat, a blâmé la partie chypriote grecque pour l'échec du plan de règlement, a remis en cause la position de la partie chypriote grecque et a déclaré que si les Chypriotes grecs souhaitaient réellement un règlement fondé sur l'égalité politique et le partenariat, il ne leur suffirait pas de le dire, mais qu'ils devraient également le démontrer à travers leurs actions.

Notant que les Chypriotes grecs avaient ainsi rejeté non pas le plan Annan mais essentiellement le règlement, le Secrétaire général a souligné que cette situation devait être examinée sérieusement et a exprimé sa reconnaissance pour l'attitude positive de la Türkiye et de la partie chypriote turque avant, pendant et après les négociations.

SOMMET DE L'UE 16-17 DÉCEMBRE 2004

Dans la déclaration finale du sommet de l'UE qui s'est tenu à Bruxelles les 16 et 17 décembre 2004 et auquel a participé une délégation dirigée par le Premier ministre de Türkiye, il a été décidé que les négociations d'adhésion de la Türkiye entameraient le 3 octobre 2005. En outre, dans la déclaration, il a été exprimé que la déclaration de la Türkiye selon laquelle elle signerait le protocole d'harmonisation, qui comprendrait l'union douanière aux dix nouveaux pays qui sont devenus membres de l'UE le 1er mai 2004, y compris l'administration chypriote grecque, avait été bien accueillie.

Au cours du sommet, notre Premier ministre a noté que la signature du protocole d'harmonisation ne signifiait pas la reconnaissance officielle et légale de l’ACG, en outre, lors de la conférence de presse qui s’est tenue après la clôture du sommet, le Premier ministre Balkenende de la présidence néerlandaise de l'UE a aussi exprimé ceci en réponse à une question. Le porte-parole de la Commission européenne et les Premiers ministres du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la Belgique ont fait des déclarations similaires à l'issue du sommet.

ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES DE LA RTCN EN 2005

Les élections présidentielles de la RTCN ont eu lieu le 17 avril 2005. Le Premier ministre Mehmet Ali Talat a été élu président de la République avec 55,60 % des voix au premier tour. Talat a succédé à Rauf Denktaş à la suite de la cérémonie de prestation de serment qui s'est tenue le 20 avril. Le président Talat a confié la tâche de former le gouvernement à Ferdi Sabit Soyer. Le Premier ministre Soyer a présenté le nouveau gouvernement au président le 26 avril 2005, et le nouveau gouvernement a été approuvé le même jour. Le gouvernement a reçu vote de confiance de l'Assemblée de la République le 9 mai 2005.

NOTRE PROPOSITION POUR LA LEVÉE SIMULTANEE DES RESTRICTIONS IMPOSÉES AUX DEUX PARTIES DE CHYPRE PAR TOUTES LES PARTIES CONCERNÉES

Dans une interview accordée à un journal le 30 mai 2005, le ministre Çavuşoğlu a présenté notre nouvelle proposition sur la question chypriote à toutes les parties concernées et au public. Cette proposition comprend les éléments suivants : la libre circulation des personnes, des biens et des services vers la RTCN et entre les parties réciproquement sur l'île ; la levée de toutes les restrictions sur les ports aériens et maritimes, y compris les vols directs ; la levée complète des restrictions imposées aux ressortissants de pays tiers ; inclusion directe de Chypre du Nord en tant qu'unité économique dans l'union douanière de l'UE, en bénéficiant de tous ses avantages ; la levée des obstacles à la participation des Chypriotes turcs aux activités sportives, culturelles internationales et aux activités similaires.

CONTACTS DE PRENDERGAST, SOUS-SECRÉTAIRE D'ÉTAT ADJOINT AUX AFFAIRES POLITIQUES

Kieran Prendergast, secrétaire général adjoint de l'ONU aux Affaires politiques, a visité la RTCN, l’ACG, Athènes et Ankara au cours de sa tournée dans la région entre le 30 mai et le 7 juin 2005. Prendergast a informé le secrétaire général des Nations unies Annan et le Conseil de sécurité de ses contacts et des positions des parties. Dans sa présentation, Prendergast a attiré l'attention sur l’écart entre les parties sur l'île et a souligné que l'ACG s'était abstenue de soumettre son point de vue par écrit à l'ONU, tandis qu’on lui avait demandé.

PROTOCOLE D'HARMONISATION ET NOTRE DÉCLARATION DU 29 JUILLET 2005

Le Protocole d'harmonisation étendant l'Accord d'Ankara de 1963 à tous les membres de l'UE, que la Türkiye s'était engagée à signer lors du sommet de Bruxelles des 16 et 17 décembre 2004, a été signé le 29 juillet 2005 par échange de lettres entre la Türkiye, la présidence de l'UE et la Commission. À l'occasion de cette signature, nous avons fait une déclaration officielle, qui constituait juridiquement un ensemble avec notre lettre et notre signature, et il a été noté que la signature du Protocole d'harmonisation ne signifiait pas la reconnaissance politique de l'ACG.

En réponse à cette déclaration sur Chypre faite par la Türkiye lors de la signature du Protocole d'harmonisation, l'Union européenne a publié une contre-déclaration le 21 septembre 2005 pour exprimer sa position. Le 22 septembre 2005, le porte-parole de notre ministère a publié un communiqué de presse exprimant notre regret concernant la contre-déclaration de l'UE et rappelant à l'UE ses responsabilités et obligations à l'égard de Chypre.

NOTRE PLAN D'ACTION DU 24 JANVIER 2006

Notre Plan d'action, composé de 10 articles, préparé pour la levée simultanée de toutes les restrictions à Chypre par toutes les parties concernées, a été annoncé au public par le ministre Çavuşoğlu lors d'une conférence de presse dans notre ministère le 24 janvier 2006. Les États-Unis, la Commission européenne, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, le Kazakhstan, l'Allemagne, la Slovaquie, le Pakistan, l'Australie, le Bangladesh, le Soudan, le Paraguay, le Bahreïn, l'Ukraine, le Belarus, la République démocratique du Congo, la Géorgie et l'Organisation de la Conférence islamique ont fait des déclarations en faveur de notre initiative et le Secrétaire général Annan a déclaré qu'il passerait en revue notre proposition.

Le plan prévoyait la libre circulation des personnes, des biens et des services vers la RTCN et entre les parties réciproquement sur l'île; la levée de toutes les restrictions sur les ports aériens et maritimes, y compris les vols directs ; la levée complète des restrictions sur les ressortissants de pays tiers ; l'inclusion directe du nord de Chypre en tant qu'unité économique dans l'union douanière de l'UE, en bénéficiant de tous ses avantages ; la levée des obstacles à la participation des Chypriotes turcs aux activités sportives, culturelles et internationales similaires.

ÉTABLISSEMENT DES COMITÉS TECHNIQUES SUR L'ÎLE

Michael Möller, qui a été nommé par le secrétaire général des Nations unies représentant spécial pour Chypre et chef de mission de la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre en janvier 2006, a proposé l’établissement de comités conjoints dans le cadre des domaines d'intérêt commun des deux parties à Chypre lors d'une réunion avec Raşit Pertev, sous-secrétaire de la présidence de la République turque de Chypre (RTCN), le 13 février 2006.

Dans sa lettre du 17 février adressée aux deux parties à Chypre, Möller a proposé la création de comités techniques basés sur l'égalité dans le but de faciliter la vie quotidienne, qui avait en fait été développés par le côté turc. Dans cette lettre, Möller a transmis une liste de domaines dans lesquels des comités de coopération technique pourraient être établis entre les deux communautés (santé, environnement, gestion de l'eau, assainissement, lutte contre le blanchiment d'argent, prévention de la criminalité, sécurité routière, migration et trafic d'êtres humains, gestion de crise, questions humanitaires), et a demandé l'avis des parties concernant cette proposition. Le président de la RTCN Talat a envoyé une lettre au secrétaire général des Nations unies Annan à ce sujet, en soulignant que les propositions de Möller ne pouvaient se substituer à un règlement compréhensif.

Dans sa lettre du 15 juin 2006 adressé au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, le président de la RTCN Mehmet Ali Talat a réaffirmé l'accord de la partie chypriote turque sur l’établissement des comités techniques et a demandé au Secrétaire général d'intervenir dans l'initiation desdits comités dès que possible. Dans ce contexte, il a souligné l'attitude négative des dirigeants de l'ACG sur la question et a réitéré l'engagement de la partie chypriote turque en faveur du règlement du problème chypriote dans le cadre de la mission de bonne volonté du secrétaire général des Nations unies et sur la base du plan Annan.

RENCONTRE ENTRE LE PRÉSIDENT DE LA RTCN TALAT ET LE CHEF DE L’ACG PAPADOPULOS LE 8 JUILLET 2006, PROCESSUS DU 8 JUILLET

Les deux dirigeants se sont rencontrés le samedi 8 juillet 2006, dans le cadre des contacts menés par le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les affaires politiques Ibrahim Gambari entre le président Mehmet Ali Talat et le chef de l’ACG Papadopoulos les 7-8 juillet 2006 à Chypre. Au cours de cette réunion, deux documents intitulés "Ensemble de principes" et "Décision des deux dirigeants" ont été adoptés. Conformément à l'accord conclu le 8 juillet, les parties turque et chypriote grecque ont échangé des documents sur les questions essentielles du problème chypriote le 31 juillet 2006 à Chypre. Cependant, il n'a pas été possible de progresser dans ce processus pendant longtemps en raison des obstructions de l’ACG, qui voulait reléguer le processus de l'ONU au second plan.

Le président de la RTCN Mehmet Ali Talat a rencontré le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan à Genève, le 20 novembre 2006. Dans sa déclaration à l'issue de la réunion, le secrétaire général de L’ONU Annan, se référant aux résultats des référendums organisés en 2004, a souligné la nécessité pour toutes les parties de soutenir les efforts de développement de Chypre du Nord, et a déclaré que le rapport de mai 2004 de la mission de bonne volonté avait attiré l'attention sur la nécessité de lever l'isolement imposé aux Chypriotes turcs.

Dans le cadre des efforts de la RTCN pour ouvrir le point de passage de Lokmacı à Nicosie, le démantèlement du viaduc du côté de la RTCN de la barricade de Lokmacı a été achevé le 9 janvier 2007. L’ACG a démoli le mur du côté grec du passage de Lokmacı le 9 mars 2007. Cependant, la partie grecque a mis en avant de nombreuses conditions préalables pour que le passage de Lokmacı soit ouvert aux passages pour piétons.

Le président de la RTCN Mehmet Ali Talat a envoyé une lettre au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, le 3 avril 2007, décrivant l'évaluation de l'état actuel du problème chypriote par la partie chypriote turque, ainsi que les attentes concernant le processus du 8 juillet.

Dans sa lettre, Talat a déclaré que la partie chypriote grecque souhaitait inscrire les questions de propriété à l'ordre du jour des comités techniques, ce qui conduirait le processus à une impasse, que les questions à discuter au sein des groupes de travail devraient être déterminées à l'avance afin d'éviter que les groupes de travail ne se transforment en réunions de discussion et que la partie chypriote turque était prête à entamer des négociations de règlement compréhensif avec la partie chypriote grecque le plus rapidement possible.

Dans ce contexte, un document contenant les propositions de la partie chypriote turque concernant le processus du 8 juillet a été soumis par le sous-secrétaire de la présidence de la RTCN, Pertev, au représentant spécial des Nations unies pour Chypre, Möller, le 5 avril 2007. Le 26 avril 2007, la partie chypriote turque a transmis la version révisée dudit texte à l’ONU.

Le 26 avril 2007, notre représentant permanent auprès de l’ONU a envoyé une lettre au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, exposant son point de vue sur les activités récentes de l'Administration chypriote grecque (ACG) en Méditerranée orientale dans le cadre de la délimitation maritime et de l'exploration pétrolière/gazière, ainsi que sur l'accord militaire conclu avec la France, en violation des traités de garantie. Dans cette lettre, qui a également été publiée en tant qu’un document de l’ONU, la légitimité de la prétention de l’ACG concernant la représentation de l'ensemble de Chypre a été remise en cause, et il a été souligné que les restrictions imposées aux Chypriotes turcs devraient être levées sur la base des éléments consignés dans le rapport du secrétaire général des Nations unies daté du 28 mai 2004.

Le 5 juin 2007, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, a présenté au Conseil de sécurité le rapport de la Force de maintien de la paix des Nations unies stationnée à Chypre (UNFICYP), couvrant la période de novembre 2006 à mai 2007. Le rapport soulignait l'importance de lever les restrictions imposées aux Chypriotes turcs et faisait référence au rapport de bonne volonté du 28 mai 2004 soumis au Conseil de sécurité des Nations unies par l'ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.

Le 5 juillet 2007, le dirigeant chypriote grec Papadopoulos a transmis sa lettre au représentant spécial du secrétaire générale de l'ONU Michael Möller, invoquant l'achèvement de la première année du processus du 8 juillet et l'absence de progrès à ce jour dans ledit processus, il a invité le président Talat à des pourparlers. Dans sa lettre, Papadopoulos a suggéré que les deux dirigeants se rencontrent de préférence d'ici la fin juillet afin de relancer le processus, et a ajouté à la lettre un document de proposition sur la mise en œuvre du processus du 8 juillet, qui serait passé en revue lors de la réunion.

Dans sa lettre du 14 août 2007 en réponse à la lettre envoyé par le dirigeant de l’ACG daté du 5 juillet 2007, le président de la RTCN Talat a suggéré que la réunion envisagée entre les deux dirigeants ne se limite pas à l'accord du 8 juillet, mais qu'elle soit fondée sur l'idée que le problème chypriote sera discuté dans toutes ses dimensions, conformément à l'objectif d'entamer des négociations en vue d'un règlement global.

Dans sa lettre adressée au représentant spécial du secrétaire général des Nations unies le même jour (14 août), Papadopoulos, se référant à la lettre qu'il avait reçue de Talat, a proposé que le comité de coordination se réunisse dès que possible afin de déterminer la date de la réunion entre les deux dirigeants et a déclaré que la réunion viserait à surmonter l'impasse du processus du 8 juillet, comme il l'avait indiqué dans sa lettre précédente.

Le 21 août 2007, lors de la réunion du comité de coordination, il a été convenu que les deux dirigeants se rencontreraient le 5 septembre 2007.

RENCONTRE DU PRÉSIDENT DE LA RTCN ET DU DIRIGEANT DE L’ACG PAPADOPOULOS, LE 5 SEPTEMBRE 2007

Le président de la RTCN Talat et le chef de l'ACG Papadopoulos se sont rencontrés le 5 septembre 2007 en présence du représentant spécial du Secrétaire général, Möller.

Au cours de la réunion, le président Talat a souligné qu'il était important que les deux parties se concentrent sur la perspective d'un règlement global et a proposé qu'après une période préparatoire de deux mois ou deux mois et demi, des négociations compréhensives soient entamées et qu'un règlement global soit conclu d'ici la fin de l'année 2008. La proposition de Talat a été rejetée par Papadopoulos.

À l’issue de la réunion, dans une déclaration publiée par le représentant spécial du Secrétaire général, Möller, il était indiqué que la réunion s'était déroulée dans une atmosphère constructive, que les deux dirigeants étaient convenus de lancer le processus dès que possible, qu'ils avaient discuté des questions susceptibles d'être mises à l'ordre du jour concernant une solution globale, et qu'ils avait décidé de poursuivre leurs contacts par l'intermédiaire des Nations unies et de se rencontrer à nouveau au moment opportun.

PROPOSITION DE MESURES DE CONFIANCE DE LA PARTIE CHYPRIOTE TURQUE DATÉ DU 16 OCTOBRE 2007

Le président de la RTCN Mehmet Ali Talat a rencontré le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, le 16 octobre à New York. Au cours de cette réunion, Talat a expliqué l'approche de la partie chypriote turque en faveur d'un règlement compréhensif, faisant référence à la position intransigeante de Papadopoulos, et il a présenté au Secrétaire général un ensemble de mesures de confiance afin d'établir une atmosphère positive entre les deux parties à Chypre.

Les mesures de confiance comprenaient l'extension de l'accord de 1989 sur l’éloignement des forces armées des deux parties dans la zone tampon, l'ouverture des postes frontières de Lokmacı (à l'intérieur de Nicosie) et de Yeşilırmak (pointe ouest de la RTCN), le libre passage à Erenköy, l’établissement d’un comité de réconciliation composé d'un nombre égal de Chypriotes turcs et de Chypriotes grecs, de ne pas mutuellement effectuer d'exercices militaires dans des zones proches de la frontière, la construction de la route Yiğitler-Pile, le renforcement de la coopération entre les parties par le biais de la Force de maintien de la paix des Nations unies sur des questions telles que les efforts contre la traite des êtres humains, le trafic de stupéfiants et la lutte contre le crime organisé.

D'autre part, le dirigeant de l’ACG Papadopoulos a présenté certaines propositions concernant le processus du 8 juillet dans sa lettre adressée au secrétaire général des Nations unies Ban, le 15 octobre 2007.

Dans sa déclaration à ce sujet du 23 octobre 2007, le porte-parole de la présidence de la RTCN Hasan Erçakıca a souligné que tandis que la partie chypriote turque s'efforçait de rendre le processus du 8 juillet compréhensible et axé sur les résultats, la partie chypriote grecque essayait de rendre le processus inextricable.

Le rapport du secrétaire général de l’ONU sur les activités de la Force de maintien de la paix des Nations unies à Chypre (UNPF) couvrant la période juin-décembre 2007 a été publié le 3 décembre 2007.

Dans le rapport, il a été suggéré que les isolements imposés aux Chypriotes turcs soient levés et il a été déclaré que cela ne signifiait pas une reconnaissance. Le rapport abordait également l'évolution du processus du 8 juillet, notait que la position de la partie chypriote turque était conforme au processus du 8 juillet, soulignait que le règlement à trouver sur l'île serait fondé sur les principes de la fédération bizonale et bicommunautaire et de l'égalité politique, indiquait que les grandes lignes du règlement étaient connues et que les éléments du règlement seraient fondés sur l'acquis et les accords des dernières décennies. La résolution 1789 du Conseil de sécurité de l’ONU sur la prorogation du mandat de la force de maintien de la paix des Nations unies sur l'île a été adoptée le 14 décembre 2007.

LETTRES DU PRÉSIDENT DE LA RTCN ET DU PREMIER MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE TÜRKİYE

Le 22 février 2008, le président de la RTCN Talat a envoyé une lettre au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, soulignant que la partie chypriote turque maintenait sa volonté de parvenir à un règlement et qu'elle était prête à entamer un nouveau processus de négociations. Dans sa lettre, Talat a par ailleurs indiqué les attentes de la partie chypriote turque pour la période à venir et a demandé au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon de s'impliquer personnellement dans le processus et d'accélérer les efforts déployés en vue d'un règlement compréhensif.

Le Premier ministre de la République de Türkiye a déclaré, dans ses lettres datées du 6 mars 2008 adressées au secrétaire général des Nations unies Ban, au président de la Commission européenne Barroso, aux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et aux chefs d'État ou de gouvernement des États membres de l'UE, que l'année 2008 offrait une occasion de parvenir à un règlement juste, compréhensif et durable à Chypre et que la Türkiye continuait de soutenir l'approche constructive de la partie chypriote turque, qui s'exprimait dans les paroles et les actions du président Mehmet Ali Talat, et a déclaré que la Türkiye, en tant que mère patrie et l'un des trois États garants, était déterminée à contribuer à un règlement par le biais d’un processus de négociation compréhensive et que nous attendions que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à l'isolement injuste auquel le peuple chypriote turc était soumis.